Au moins
200 000 visiteurs sont attendus pour venir rencontrer les 3500 auteurs qui
seront présents. La lecture reste encore une activité bien présente en France
et un marqueur sociologique fort.
Atlantico : Quelles sont les principales tendances qui
animent actuellement le marché du livre ? Quels sont les genres, les types
d'ouvrage, les plus appréciés des Français ?
Christophe Evans : Au
cours des 10 dernière années environ, on a vu assez nettement les romans
policiers prendre la tête du classement des livres les plus achetés et les
plus appréciés par les lecteurs français adultes (au détriment notamment
de la catégorie romans non policiers ou non SF). Les livres pratiques arrivent
en seconde place de ce classement (cuisine, bricolage, jardinage, arts de
vivre, etc.), ce qui confirme, avec les lectures
contraintes pour des raisons scolaires ou professionnelles, le
développement de ce que l'on appelle le "lire utile". On voit par ailleurs une catégorie
hybride se développer ces derniers temps en librairie : celle des romans
"jeunes adultes", qui fédère un lectorat jeunesse et jeunes adultes
attiré par la fantasy ou certains best sellers du type Twillight, Hunger games,
etc.
Quel est le profil type du lecteur français ?
Existe-t-il des tendances sociologiques lourdes sur le type de population qui
s'adonne à un loisir en principe courant et accessible ?
Quand
on parle de lecture de livres, et en particulier de lecture de romans, le profil type du lecteur français est celui d'une femme active,
urbaine, plutôt diplômée, d'âge moyen. La moyenne d'âge du lecteur
tend d'ailleurs à augmenter, elle est passée à 46 ans en moyenne pour les
lecteurs de livres imprimés d'après la dernière enquête Ipsos-Livres Hebdo de
février 2014. Au plan sociologique, le niveau de diplôme en premier, puis
l'origine sociale et ce que l'on appelle "l'ambiance livresque" de la
famille sont encore des influences fortes de l'investissement dans
la pratique de lecture de livres. Il y a par conséquent encore des
barrières sociales et culturelles qui freinent l'accès au livre malgré le coût
relativement modique de cet objet, sans parler de l'illettrisme qui touche tout
de même 7% des personnes âgées de 18 à 65 ans ayant été scolarisées en France
d'après la dernière enquête Insee.
Assiste-t-on ces dernières années à des mutations ou
des évolutions notables dans le comportement des lecteurs ? Quels ont été les
derniers changements les plus marquants ?
Les changements
notables concernent essentiellement en France le recul de la
population des "grands lecteurs" : les personnes qui déclarent lire
20 ou 25 livres et plus au cours de l'année. Le nombre moyen de livres lus par
lecteurs est en baisse régulière, si la pratique de lecture de livres ne
disparaît pas dans la société française, on peut dire qu'elle tend à devenir
plus occasionnelle du fait notamment du développement de la culture des écrans
et des nouveaux écrans (jeux vidéo, ordinateurs). Entre 1973 et 2008, par
exemple, le taux de Français âgés de 15 ans et plus déclarant lire 25 livres et
plus au cours des 12 derniers mois est passé de près de 23% de la population à
11% : il a diminué de moitié alors que cette population de grands lecteurs est
traditionnellement très active dans les librairies et les bibliothèques. On
voit également se développer des pratiques de lecture segmentées, fragmentées,
à l'occasion des pratiques de lecture numériques, en particulier des pratiques
de lecture "en diagonale" sur Internet : pour s'informer, se
distraire, communiquer, etc. La féminisation des pratiques de lecture de livre
est enfin assez notable depuis le milieu des années 1980.
Selon vous, que peut nous apprendre de la situation
sociologique française la situation du marché du livre en France ?
Par
rapport à d'autres secteurs (la musique enregistrée commercialisée de façon
traditionnelle), le marché du livre résiste relativement bien même si les
librairies indépendantes sont aujourd'hui à la peine du fait notamment des
marges économiques limitées du produit livre et de l'augmentation du coût des
loyers. Comme j'ai tenté de le dire, c'est un marché en mutation qui se
recompose à la faveur des évolutions sociales et culturelles
contemporaines : plus de lecteurs occasionnels, des changements dans la
hiérarchie des genres appréciés, le développement de pratiques de lecture
numériques ou d'autres activités de loisirs domestiques. Le marché du livre est
au diapason de l'essor de l'éclectisme culturel et du phénomène de
relâchement culturel qui caractérisent la soci été française.
Source : Atlantico.fr
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